Pourquoi restaurer la tombe d’Hubert Aubry ?
N’est-ce pas là la préoccupation de quelques nostalgiques d’un patriotisme révolu ?
Ne ferions-nous pas mieux de construire notre avenir sur l'oubli du passé. A celà, je réponds par les quelques vers de Bruno Dary
« Ta tombe nous rappelle les valeurs d’un pays
Que par l’effort de tous, la nation se construit
Que ce qui est reçu n’est pas toujours acquis
Mais doit être transmis au péril de sa vie »
Oui, « Le passé n’est jamais mort, il n’est même pas passé »
Face à la disparition des derniers témoins, la tombe d’Hubert Aubry, que Leffonds a su protéger de l’oubli, nous relate de façon tangible tout ce qui fait l’horreur des guerres mais aussi, tous ce qui fait l’honneur d’Hubert Aubry, Mort pour la France.
Afin de maintenir vivante la mémoire, Le Souvenir Français place chaque année sous les projecteurs cent figures de combattants choisies dans les cent départements de France. Cette année, la Délégation de Haute-Marne vous a choisi, vous, Hubert Aubry, sous-lieutenant des Forces Française de l’Intérieur mort pour la France le 30 juin 1944.
Hubert ! Tu es né le 15 mars 1923. Tu es le troisième enfant d’une fratrie de quatre. Ton père est garde-chasse tandis que ta mère tient le Cheval Blanc, l’hôtel restaurant du village en plus de posséder quelques vaches.
1936, l'obtention de ton certificat d’étude marque tes débuts dans la vie active.
Travaux des champs, aide au restaurant, petits boulots et chasse avec ton frère de dix ans ton ainé. Ton adolescence est heureuse et tu es décrit par ton entourage et ta famille comme un garçon plein d’énergie, déterminé, volontaire et ayant du cran. C'est pendant cette période que tu te forges dans Leffonds de solides amitiés qui te serviront lorsque tu entreras dans la clandestinité. Avant cela, à 18 ans, tu t’engages dans l'armée d'armistice. Désireux de servir dans la marine, tu es pourtant affecté au 25e Bataillon de Chasseurs Alpins à Hyères dans le Var.Fin 1942, après la dissolution de l'armée d'armistice, ne supportant pas de vivre sous le joug ennemi, tu tentes de gagner l’Afrique du Nord mais les Italiens t’arrêtent à Marseille.
Peu importe ! Tu t'évades et rejoins ta famille à Leffonds. En 1943, tu gagnes la Suisse puis très vite, désireux de rentrer en lutte contre l’occupant tu rejoins le maquis de Trévignin en Savoie ou tu t’inities à la lutte clandestine. Début mai 1944, tu te rends à nouveau en Suisse et chose incroyable, tu convaincs les britanniques d'effectuer un parachutage en vue de la création, chez toi, à Leffonds, d'un maquis. Te voilà le chef du premier maquis FFI de Haute-Marne et en t’engageant ans la Résistance, tu laisses derrière toi ta famille et l’avenir auquel tu étais promis.
Le 30 juin 1944, attaqué par 800 Allemands venu vous débusquer toi et tes frères d’armes, tu trouveras la mort les armes à la main au côté de quinze de tes camarades.
Tu seras élevé au grade de sous-lieutenant FFI et décoré à titre posthume de la croix de guerre avec palme. Aujourd’hui, 16 juin 2024, cet hommage, se moment de recueillement sur ta tombe, ont, comme au premier jour, une portée symbolique puissante.
Hubert, vous n’étiez pas un homme ordinaire.
Nous ne commémorons pas votre infortune mais célébrons votre courage extraordinaire et la générosité de votre engagement.
Par notre présence nombreuse, par la présence des drapeaux, nous vous réaffirmons notre reconnaissance. La reconnaissance de la Nation…A nous le souvenir, A vous l’immortalité….
Nous réaffirmons également les valeurs que vous nous avez léguées au prix de votre vie. Celles de la République, inscrites dans sa devise et qui sont aussi les nôtres.« Liberté – égalité – fraternité »
16 juin 2024 Allocution à la stèle du Fays (Patricia Schnepf-Gourlin fille de Raymond Gourlin, résistant du maquis, reprenant les mots de Raymond Gourlin son père aujourd’hui dcd ) 5 minutes
Claude, c’est à cet endroit où nous sommes réunis aujourd’hui que les nazis t’ont lâchement assassiné devant moi, après t’avoir fait tomber de la charrette qui te transportait.
Ce 16 juin 1944, nous ne sommes qu’une poignée de résistants en ces lieux avec deux officiers américains parachutés avec armes et bagages au cours de la nuit du 1 au 2 juin. Cet après-midi-là, Hubert Aubry, Claude Pénègre, Pierre Demerle et moi, attendons au bord de la route des jeunes de Leffonds qui doivent nous ravitailler en eau potable. A leur place, ce sont des Allemands qui débarquent. Retour rapide au camp, Hubert, Claude, PIerre et moi restons pour protéger la retraite de notre groupe. L’engagement a lieu et Claude est blessé. L’entendant crier, je me précipite vers lui et l’entraîne le plus loin possible pour le mettre à l’abri. Malgré mes efforts pour obtenir du secours, je ne peux le sauver, les Allemands l’ont découvert et transporté autre part. Revenu sur place, j’entends un cliquetis d’armes et j’ai juste le temps de laisser tomber mon pistolet dans l’herbe et mettre mon pied dessus. Je suis fait prisonnier. Je découvre Claude allongé sur un charriot réquisitionné à Bugnières. L’officier fait tomber brutalement Claude et me regardant dans les yeux, l’assassine d’une balle dans la tête.
C’était il y a 80 ans ; ici tombait sous les balles allemandes Claude Pénègre. C’était sa guerre et aussi la mienne. Nous combattions le même ennemi. Nous nous connaissions très peu. Claude, tu étais arrivé quelques jours après moi dans ce maquis et tu étais de ceux qui avaient aussi choisi de dire non à l’occupant nazi, en prenant les armes pour les chasser.
Qui étais-tu Claude Pénègre ?
Un jeune homme venu de Limoges, animé de patriotisme, réfractaire au service du travail obligatoire en Allemagne. Un jeune garçon épris de liberté, de cette liberté qu’il voulait voir à nouveau sur la France. Un Français plein d’élan, engagé volontairement dans une lutte inégale pour délivrer notre patrie du joug des nazis et des collaborateurs de ces années noires. C’est ainsi que tu choisis ce petit coin de territoire Haut-Marnais où, il y a 80 ans, se formait un maquis sous le commandement de Hubert Aubry de Leffonds et de deux officiers américains André et Freddy. Soldat de l‘ombre, tu aurais pu participer à la libération de cette magnifique région si, en cet après-midi du 16 juin 1944, à l’emplacement où nous sommes réunis, les nazis ne t’avaient brutalement retiré la vie en t’assassinant. Tu m’as peut-être sauvé la vie en te portant secours, mon nom aurait pu figurer sur le monument de Voisines à côté de mon frère et de mes camarades. Claude si nous sommes libres aujourd’hui, c’est grâce à ton courage. Tous les ans, ton souvenir est commémoré par les habitants de Bugnières et de leffonds et ta mémoire transmise fidèlement aux jeunes générations afin qu’elles sachent que la liberté se mérite et que le combat est dur pour la conserver.
Que les habitants et surtout les jeunes de ces deux communes se souviennent qu’un jour de juin 1944, un jeune homme de 20 ans a donné sa vie pour qu’ils puissent vivre libres. Qu’ils sachent aussi que chez eux, des femmes et hommes de ces deux communes, ont, au risque d’être fusillés ou déportés, ravitaillé ce maquis. Je leur rends hommage.
Ces 80 dernières années passées ne m’ont pas permis d’évacuer ces souvenirs et si je ferme les yeux, je revis cette tragique journée du 16 juin où j’ai dû rester impuissant devant l’assassinat de Claude.
De ce maquis, je ne voudrais pas que l’on oublie son fondateur Hubert Aubry, de même que sa sœur Lucie Cousin et Robert Devilliers qui, à leurs risques et périls, venaient nous ravitailler en nourriture et en eau. Je revois encore Lucie avec sa bicyclette et sa remorque chargée de marmites cuisinées dans la nuit.
Maintenant, Claude, continue de reposer en paix, nous ne t’oublions pas.