Le Grand Pavillon dit « Grange aux Dimes »
La grande salle voûtée
Il est impossible de dater avec précision cette salle qui constitue la partie la plus ancienne du bâtiment, mais son voûtement des croisés d'ogives dont la mise en œuvre témoigne d’un certain manque d'expérience semble dater la construction du milieu du XIIe siècle.
Tout essai visant à obtenir par l'analyse des formes et techniques employées des informations complémentaires fixant le début des travaux, reste hypothétique.
II est difficile de tirer des conclusions des rapports qu’entretenait la Maison-Dieu avec des établissements dans d'autres villes. Le fait que les chanoines réguliers de Mormant étaient en relation étroite avec ceux de Saint-Etienne à Dijon29 n'apporte rien car cet édifice a été reconstruit au XVe siecle30, et d'une manière générale il n'est pas facile de découvrir des éléments "bourguignons" dans la salle de Mormant. Le seul détail dont on trouve des équivalents en Bourgogne du milieu du XIIème siècle sont les congés cintrés qui reçoivent les ogives et les doubleaux sur les chapiteaux (cloitre de l'abbaye de Fontenay, Côte d'Or31 - le portail ouest de l'ancienne collégiale de Montréal, Yonne32). La dépendance de Mormant de l'évêque de Langres offre à peine plus d'indices. Les croisées d'ogives réalisées a Mormant et dans le déambulatoire de la cathédrale de vers les années 1140. Une ressemblance des profils de nervures, le profil à trois tores de Mormant apparait comme une version simplifiée de celui de Langres.
29-Guide du Patrimoine, p.236
30-Dictionnaire des Eglises de France, tome II A, p.69
31-Guide du Patrimoine, p.236. De nombreux exemples du même type existent également dans d'autres bâtiments de l'abbaye. Dans la première travée de la nef de l'abbatiale de Fontenay on trouve par ailleurs deux chapiteaux qui montrent, entre les deux feuilles d'angle, une sorte de médaillon avec un cercle concentrique. Cette disposition ressemble légèrement à celle que l'on peut voir sur certains chapiteaux de la grande salle à Mormant.
32-Compte tenu de l'influence cistercienne présumée sur la collégiale de Montréal, on pourrait également s'interroger sur une emprise semblable à Mormant. C'est dans ce contexte qu'il faut peut-titre voir le groupement de baies superposées aujourd'hui obturées dans le mur pignon dissimule de la « Dépendance », rappelant des configurations que l'on peut trouver dans certains édifices cisterciens.
Une autre observation peut-être ajoutée: à Mormant et à Langres, les constructeurs des voûtes ont été confrontés, à l'endroit où retombent les ogives et les doubleaux sur les chapiteaux, à la naissance du même type de difficulté de conception, si les solutions sont différentes, elles témoignent du même manque d’expérience. II a fallu décomposer les doubleaux et les ogives sur un même chapiteau, opération rendue difficile par la largeur importante de l'arc doubleau et la forme de l'ogive dont les trois tores se développent en largeur. A Langres seul le tore central de l'ogive est mené jusqu'en bas, pour se terminer en forme de fuseau dans l'écoinçon entre les arcs doubleaux, les constructeurs des voûtes de Mormant ont tenu à faire reposer l'ogive entière sur le chapiteau. Les dimensions du chapiteau étant restreintes, il a fallu rétrécir les tores des ogives et des doubleaux, à leur naissance. Sur les chapiteaux des murs périphériques moins larges de quelques centimètres, la transition entre les parties larges et les parties rétrécies des profils a été étendue sur plusieurs voussoirs.
La différence entre les deux dispositions choisies ne permet pas d'établir une relation entre les deux édifices. On peut imaginer que la salle de Mormant ait été réalisée peu de temps après le déambulatoire de la cathédrale de Langres, a une époque on des solutions plus habiles pour ce problème n'avaient pas encore été mises au point dans la région. La deuxième moitié du XIIe siècle semble s'imposer comme époque de construction, et il est même possible que les croisées d'ogives de Mormant figurent parmi les premiers exemples de ce type de voûtement réalise en Haute-Marne.
Les chapiteaux peuvent-ils fournir plus d'indices? La sculpture est d'un style déjà obsolète a la deuxième moitié du XIIe siècle, l'est, celui des chapiteaux de la nef romane de Saint Jean a Châlons-sur-Marne (Marne) ou, un peu plus loin, à Oulchy-le-Château (Aisne). Ces deux exemples remontent la fin du XIe siècle environ. Une datation de la salle de Mormant ne peut se limiter à une étude du style des chapiteaux. Les supports présentent des traits remarquables: l'absence de tailloir et le caractère monolithe du chapiteau, du fut de la pile et de sa base tailles dans une seule pierre sans le moindre joint
Faute de certitude sur la fonction originale de cette salle, on ne peut chercher des bâtiments de référence qui permettraient de mieux inscrire l’édifice dans son contexte historique33,
La travée complémentaire.
Une travée supplémentaire a été adossée à la grande salle voutée. Elle a été attribuée aux Hospitaliers grâce à l’écu figurant sur la clef de voûte, et les profils des nervures - employés très fréquemment au XIIIe siècle - on peut soutenir l'hypothèse que l'ordre ait élevé cette partie pendant son occupation intermédiaire de Mormant entre 1200 et 1125 environ. Quant à la petite citerne enfouie dans cette pièce, on ignore la date de sa construction, mais sa mise en œuvre semble la rattacher plutôt a l'époque où a été aménagée la grande citerne situ& en face, datée généralement du XVIe
33-Des éléments prestigieux comme les piles monolithes et les petites colonnettes dégagées, monolithes, qui flanquent les entrées (à noter que celle a l'extérieur sont octogonales pour mettre en valeur l’accès) par l'oculus-rose rappelant plutôt un édifice où se déroule des offices.
On ne connait pas le couvrement d'origine de la deuxième pièce de cette nouvelle travée, mais un passage dans les visites prieurales de 1768 désignant ce bâtiment ne mentionne que des salles voûtées pour le niveau inferieur34. Selon ce texte, la pièce aurait été une cuisine munie d’une "cheminée à l'antique".
L'étage
Le niveau supérieur appartient à une campagne liée aux travaux d'aménagement réalises par les Hospitaliers au XVIe siècle pour remettre en état la commanderie et pour l'adapter aux nouveaux besoins35. Les Hospitaliers ont réutilises partiellement d'anciennes structures. Les trois pièces voûtées à l'étage, implantées à l’aplomb des travées de la salle basse appartiennent à ces premières structures réemployées. En revanche, les murs de la pièce support de la peinture murale ont été bâtis à l'écart des structures existantes36.
Travaux divers avant la Révolution
Le rapport des visites prieurales de 1670 évoque la réparation de la couverture de la chapelle Saint Marcoul nécessitée par l'incendie du "grand pavilion"37. On peut donc être sur que d'importants travaux, notamment de charpente et de couverture ont été réalisés sur la « grange dimière » (appelée justement « grand pavillon ») à cette époque. La couverture, constituée comme celle des autres bâtiments de tuiles et de laves, sera d'ailleurs révisée et réparée régulièrement.
34-111 H.35, p.369
35-B. Danion emploie le terme « dortoir de frères » pour l'entité des chambres de cet étage
36-Le relevé d'A. Ronot de 1901 démontre d'ailleurs l’existence d’autres murs de ce genre.
Travaux après la Révolution
Il y a des données- qui permettent de développer une hypothèse sur la datation du remblaiement du niveau inférieur. D'abord, il y a les traces de l'église jadis adossée à la « grange dimière ». On remarque que les vestiges les plus importants - ceux qui montrent le dessin de deux arcs - dépassent le sol de 2,50 m seulement. Il est donc probable qu'à l'époque où l'église était encore debout, le terrain et par conséquent aussi le sol de la « grange dimière » se trouvaient à un niveau bien plus bas que ce n'est le cas aujourd'hui. Or, on sait que le chœur, une des dernières parties de l’église encore debout, a été détruit à la Révolution. Les travaux auraient donc été effectués après la Révolution, peut-être dans le cadre de la destruction des parties restantes de l'église et de la maison forte dont les décombres ont pu servir justement de remblaiement. Si la certitude absolue n'existe pas sur le début des travaux, le cadastre napoléonien de 1818 démontre bien qu'ils étaient terminés à ce moment-là. C'est en fait sur ce document que l'on peut observer que la grande citerne était déjà enterrée: seule la bouche d'égout en est visible alors que ses murs périphériques ni apparaissent nullement. Le terrain entourant la « grange dimière » avait donc déjà été surélevé à l’époque. Quant aux interventions du XXe siècle, il faut d'abord mentionner le relevé réalisé en 1901 par A. Ronot qui apporte certains renseignements sur des dispositions disparues depuis, à savoir l'escalier à vis communiquant entre l'étage et les combles ainsi que plusieurs cloisons au premier niveau. La date de la suppression de ces éléments n'est pas connue et c'est de même pour l'aménagement du vide qui communique entre les deux niveaux à l'angle sud. Les récents sondages ont par ailleurs mis à jour ce qui pourrait être des traces de fouilles effectuées éventuellement par le même architecte afin de trouver le niveau d'origine pour le dessin de la coupe. Finalement, il nous reste à évoquer le relevé dressé en 1981 par l'agence de M. Clery, architecte des bâtiments de France, ainsi que les travaux d'étaiement réalisés par la suite. Les étais en bois sont toujours en place.
Inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques au 23 décembre 1925, le bâtiment a été classé au titre des monuments historiques le 21 juillet 1989.
Description de la « grange aux dimes
Le bâtiment, modifié à plusieurs reprises, est construit en pierre. Son plan est rectangulaire, légèrement irrégulier et mesure environ 23 m par 15 m.
Il se compose de deux étages en partie voûtées ainsi que d'un comble à deux versants et à demi croupe, aujourd'hui couvert de tuiles mécaniques.
L'étage inférieur comporte deux parties. L'une, située au nord-ouest, se présente sous forme d’une grande salle carrée dont les trois vaisseaux de trois travées chacun sont voûtés sur croisées d'ogives. Les ogives et les doubleaux retombent sur des chapiteaux sculptés couronnant des piles carrées à colonnettes d’angles engagees38. L'entrée dans la salle se fait par deux arcades en plein cintre qui retombent, à l'extérieur comme à l'intérieur, sur des chapiteaux sculptés sur de petites colonnettes (une troisième ouverture identique, située au milieu, est aujourd'hui presque entièrement murée). La salle est actuellement remblayée sur une hauteur d'environ 1, 50m. La façade sud-est possédait autrefois un grand oculus de la dimension d’une rose flanque de deux lancettes. Les trois ouvertures sont à présent murées ne laissant que de très petits jours.
La deuxième partie de ce niveau est formée par une travée supplémentaire au sud-ouest qui est nettement différente de la grande salle voutée. Elle est constituée de deux pièces. Celle qui est voûtée sur croisée d'ogive s'ouvre sur la rue par une grande porte à segment d’arc. Cette pièce communique avec la grande salle d’à côté par un petit passage et elle possède une citerne de 2m par 2 m environ aujourd'hui enfouie dans le sol.
L'autre pièce de cette travée est en partie munie d’un plafond de bois. Elle s'ouvre directement à l'étage supérieur ce qui permet l'utilisation d’une grande porte charretière comme porte d'entrée. Le niveau plus élevé de son sol ne permet pas de passer aux salles adjacentes par les ouvertures qui existent. On note encore le creux arrondi dans le mur sud-ouest de la pièce. Le niveau supérieur, qualifie généralement de « dortoir de frères », est desservi par un escalier situé à l'extérieur au nord. Il se compose de trois pièces à couvrement de voûtes d'arêtes et d’une autre couverte d’un plafond en bois. Deux de ces pièces sont dallées de pierres, les autres sont traitées en terre cuite et parquet. Des réfections en ciment ont été effectuées par endroits. Le reste de cet étage est constitué d'un seul grand espace utilisé comme grenier à foin dont le sol est recouvert en grande partie d’une chape de ciment. Pour pouvoir monter au-dessus des pièces du premier étage, un trou a été percé dans un des voûtains de la salle situé au nord39.
38-Les chapiteaux qui se trouvent a la périphérie sont adosses au mur, et leur taille est réduite à la moitié de celle des autres
39-Un ancien escalier à vis, situé dans l'angle nord et dissimulé dans l'épaisseur du mur a été démoli ou simplement muré. Les travaux ont du être effectués après 1901, I ‘escalier figurant encore sur un relevé à cette date.
L'emploi d'appareils différents témoigne des nombreuses modifications du bâtiment. La façade nord-ouest de la grande salle voûtée et ses murs périphériques intérieurs ont été réalisés en pierre de taille, et c'est de même pour le soubassement de la façade sud-ouest et les sept contreforts qui soutiennent respectivement la façade nord-ouest, la façade sud-est et l'angle est du bâtiment. Presque toutes les autres parties sont construites en moellons assisés40. Outre par l'emploi d'un appareil diffèrent de celui de la plupart des autres zones, la grande salle voûtée se distingue encore en façades nord-ouest et sud-est par une saillie. Cette saillie est située à mi- niveau et correspond au niveau du sol du premier étage. Sur la façade sud-est, elle est accentuée par un bandeau créant un larmier. Si deux des trois contreforts mis en place de ce côté-ci s'interrompent au niveau de la saillie, les trois contreforts de la façade nord-ouest la dépassent largement, celui du milieu étant nettement moins élevé que les deux autres. L'angle sud du bâtiment est conforté par un pan de mur constituant sans doute un rajout ultérieur. A noter également un certain nombre d'ouvertures obturées dans toutes les façades, des fenêtres percées ultérieurement comme notamment la plus grande des quatre qui se trouvent au milieu de la façade nord-est, ainsi que les traces sur la même façade de l'ancienne église qui y était adossée. Enfin, on observe que les planches de rive du pignon sud-ouest sont remplacées par une bande en ciment.
Peintures murales
Dans toutes les salles et pièces à l'exception de celle située au sud du niveau inférieur, des traces de peintures murales ont pu être trouvees41. Dans la pièce non voûtée au premier étage, une scène représentant une « descente de croix » est conservée. Dans la grande salle voûtée, on a pu constater que les ogives et les arcs doubleaux étaient jadis peints d’un ocre jaune pâle dissimulé plus tard sous un badigeon blanc. Le même badigeon blanc allait recouvrir également les peintures sur les ogives et les arcs formerets de la petite pièce voûtée annexe où les couleurs étaient d’une plus grande variété Alors que les formerets portaient un bandeau rouge, les voussoirs étaient peints en alternance en ocre rouge et jaune. La stratigraphie des peintures recouvrant les murs des pièces du premier étage s'avère plus complexe : jusqu'à dix couches différentes essentiellement de badigeon ont pu être identifiées, la palette de couleurs comportant le blanc, le gris, le brun, le beige, l'ocre et le rose. Dans la pièce voûtée située au nord, on reconnait encore très bien la peinture en trompe l'œil imitant l'appareil en pierre.
La « descente de croix » mentionnée ci-dessus a été peinte à sec sur le fond d'un enduit à chaux.
La descente de la croix
40-Il est intéressant de noter l'incohérence de l’appareil a l'intérieur de la grande salle par rapport à celui que l'on voit l'extérieur sur les façades sud-est et notamment nord-ouest.
41-Voir le rapport de Christian Vibert
La charpente
La charpente est constituée de quatre fermes principales reposant sur les murs gouttereaux. Le comble s'amortit aux extrémités du faitage par deux fermettes formant demi-croupe, reposant sur les pignons arasés. Les fermes sont à entrait, poinçon, arbalétriers, contrefiches et jambes de force. Le contreventement longitudinal est assuré par un sous faitage, complété de croix de Saint-André. Pour pallier au problème du fléchissement, les fermes 1 et 2 prennent appui sur les murs de refend des pièces voûtées de l’étage alors que les fermes 3 et 4 sont reprises sous l'entrait par un poteau central reposant sur le sol. Des contrefiches doublées sur la hauteur du poinçon assurent avec les jambes de force la triangulation de la ferme. L'entrait est composé en deux éléments assemblés par un trait de Jupiter renforcé d'une bride métallique. On retrouve ces brides métalliques en partie haute à la liaison des arbalétriers et du poinçon. La quatrième ferme se distingue des autres par le détail suivant: la contrefiche inferieure n'étant pas liée au poinçon (à l'inverse des autres fermes) mais a l'entrait devient ainsi une jambe de force supplémentaire. Les pannes sont constituées d'éléments portant sur une seule travée de ferme. Biseautées en bout elles s'assemblent par superposition à l'aplomb de chaque arbalétrier et sont calées par des échantignoles. A chaque extrémité de la charpente, les pannes sont encastrées dans l'épaisseur du mur pignon. Disposées sous chaque panne, une pièce de bois horizontale noyée dans la maçonnerie reprend le poids de la charpente et la repartit sur l'appareillage. Ceci permet d'éviter de concentrer une charge trop importante sur un point de la maçonnerie en risquant un effort tranchant.
II – BIBLIOGRAPHIE
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T. CASAGRANDE, « L'Architecture des Templiers dans les baillies de France et de Champagne », Thèse de 3e Cycle, CESCM, Poitiers 1979
B. DANION, Historique et Description de Mormant, « Abbaye de Mormant », Brochure de l'Association « L'abbaye de Mormant revivra », Chaumont 1990
« Excursion de la Société », Annales de la Société d'histoire, d'archéologie et des beaux-arts de Chaumont, t. V, 1928, pp. 312-315
G. GUILLEMIN, « Histoire de Mormant », Les souterrains de Beauvoisin a Bugnières, Syndicat d'Initiative d'Arc-en-Barrois, 1985
J. LAURENT, 0 Abbayes et prieures de l'ancienne France », tome XII: Diocèse de Langres et de Dijon, 1941
M. MIGUET, « Templiers et Hospitaliers en Normandie », Comite des travaux historiques et scientifiques, Paris1995
« Les Templiers de Mormant », dossier relie comportant des articles de 0.GRANDMOTTET (0 L'Hôpital de Mormant ») et de J. BOUR ( »Les Templiers de Mormant
DOCUMENTS SUR MORMANT AUX ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA COTE D'OR
Plan H 111 H.36: 0 Plan de la forêt et de l’écart de Mormant », 1731 Registres de la Série H 111 (Registres des visites prieurales)
DOCUMENTS SUR MORMANT AUX ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA HAUTE-MARNE
Documents de la série Q (Biens Nationaux)
III - ETAT SANITAIRE
Maçonnerie
Maçonnerie extérieure
Les maçonneries extérieures de la façade principale orient& Sud-Est présentent des désordres de différentes natures. On observe un léger flambement du mur vers l'extérieur occasionnant une fissure ouverte de l'un des contreforts à la jonction du mur. De nombreuses fissures existent autour des baies, dont certaines partant de l'égout, entrainent l'affaissement des maçonneries au niveau des arases accompagnés de chutes de pierres. Cette détérioration résulte probablement de la pression qu'exerce la charpente sur les murs gouttereaux et d'une mauvaise étanchéité de la couverture permettant l’infiltration des eaux pluviales. On retrouve des fissures sur les autres parois, plus particulièrement sur le mur-pignon Nord-Est, longeant les baies mais aussi à l'angle, témoignant de l'arrachement de ce dernier. On remarque sur toute la périphérie de l'édifice des absences de mortier sur les joints de maçonneries. Elles sont partielles sur les partie hautes des murs, et plus systématiques a la base avec des pierres érodées, cassées ou manquantes.
Des lichens sont présents sur les parties saillantes des bandeaux, contreforts et chapiteaux sculptes.
Sur la façade principale l'ensemble des arcs en plein cintre constituant les ouvertures de la grande salle sont dans un état satisfaisant. En revanche, on remarque le désenclavement de la clef de l'arc segmente surmontant l'ouverture de la salle annexe.
Maçonnerie intérieure
Sur la périphérie des murs constituant le remplissage des arcs de la grande salle, les parements sont altérés en surface avec joints dégarnis et attaque de la pierre. Ceci proviendrait du fumier adoss2 contre les murs qui donne à la pierre une couleur bistre et des percolations depuis les remblais extérieures. Au niveau des chapiteaux on observe des traces de mousse et plus particulièrement une pellicule blanchâtre nettement visible sur les parties saillantes résultant de la cristallisation des sels. Ces sels contenus dans les eaux des remblais extérieurs auraient été, par le biais d'infiltrations, véhicules et déposés sur la surface interne du mur. A l'étage, on retrouve sur les parties hautes de chaque mur pignon une grande fissure ouverte verticale. Particulièrement sur le pignon Nord-Est, la fissure est ouverte et provient de la panne encastrée dans la maçonnerie des rampants, occasionnant une désorganisation de celle-ci et entrainant des chutes de pierre l'about de cette panne. Cette fissure est identifiable à l'extérieur du mur par sa réparation au mortier de chaux. La maçonnerie intérieure des combles est en très mauvais état avec une forte dégradation des arases et des rampants (appareillages désorganisés, absence de mortier, pierres cassées ou manquantes).
Une des nombreuses voûtes
Les voûtes
1-La grande salle
L’ensemble des voûtes est dans un état précaire. Actuellement elles sont étayées, les charges étant uniquement reprises sur la croisée d'ogive. Les désordres principaux sont: la décompression des voûtes avec glissements des voussoirs, fissuration des voutains et décollement des enduits. On observe trois causes essentielles liées à ce phénomène de décompression. (Nous n'omettons pas l'éventualité d'autres facteurs, aussi minimes soient-ils, ayant participé l'avancé désordres : stockage de marchandises a l'étage, mauvais entretient des voûtes, etc...)
a) L'aménagement d'un étage supplémentaire crée une surcharge (les remblais) reportés directement sur l'ensemble des voûtes.
b) Des affaissements plus importants sont localisés sur les travées B, I F et G. Plus particulièrement sur la travée I où on aperçoit la courbe de contrebutement s'inverser. Ces désordres proviennent en partie du poids propre des murs de refend de l'étage, implantés en décalage par rapport à la structure majeure (arcs doubleaux et formerets de la salle inferieure et reposent sur les voutains, non compatibles avec une telle charge.
De plus nous savons par le biais des entraits, qu'une partie de la charpente repose sur ces murs de refend. Les entraits, assemblés en deux éléments de longue portée, ne réagissent pas aux efforts de traction sollicites par le poids de la charpente. Des lors, par un phénomène de poinçonnement, les fermes transmettent au travers des murs leur charge ponctuelle sur les voutains des travées B et I. Au niveau de la travée F, le principe est accru, et s'explique par le fait que le poids de la charpente repose directement sur un poteau, poinçonnant la partie de voûtain sur laquelle il repose
c) Parallèlement, des infiltrations d'eau ont attaqué le mortier de qualité médiocre sensé assurer la liaison des claveaux de nervures qui, désolidarisés entre eux, ont tendance à glisser. Ce mortier utilisé dans la maçonnerie des voûtains génère la même pathologie. Les voûtains déstructurés agissent comme un poids mort (forces verticales vers le bas) annulant en partie leur contrebutement respectif. L'autre cause vient de la partie supérieure des claveaux qui s'intercale entre les voutains et s'oppose au contrebutement en faisant tampon. De plus, les voûtains ne sont que très faiblement relies sur les murs périphériques (appuis portant sur deux centimètres), ils pèsent ainsi sur les nervures fragilisées et précipitent l'affaissement de la voûte.
2-Le niveau supérieur
Les trois voûtes alignées sont très dégradées avec des fissures importantes entrainant le décollement des enduits par plaques. La première d'entre elles, située a cote de l'escalier d'accès, menace de s'effondrer. Dans ce cas, les voûtains se contrebutent et travaillent en voile d'arête. Désolidarisée des murs latéraux, la voûte repose uniquement aux angles, sur des écoinçons de 10cm2. La fragilité de la base rend la structure instable et a tendance à bouger, occasionnant des fissures. Le danger qui pèse sur la première voûte provient de la partie de maçonnerie enlevée pour passer l'échelle. Il en résulte une décompression de la voûte qui perd son intégrité. Des charges inégales
sont mises en contrebutement et provoquent le déséquilibre de la structure.
La couverture
C'est une toiture à quatre pans, avec deux longs pans sur les murs gouttereaux et deux demi-croupes sur les murs pignons coupent. La couverture est en tuile mécanique et repose sur un liteau.
Un magnifique plafond
La charpente
Le faitage
On constate que les travées extrêmes (parties constituant les demi-croupes) n'ont pas la même configuration de faitage, créant une dissymétrie par rapport au plan longitudinal de la charpente. Sur la première travée, l'ensemble des éléments composant le faitage et une partie du chevronnage, hormis les empannons des demi croupes, ont été remplacées par des pièces de bois neuves en sapin, renforcées par une panne sous faitière moisante, (assemblée par boulonnage) et fixée par deux traverses sous le linteau de la baie du mur pignon. Sur la travée opposée, la demi croupe est reliée par simple assemblage a la panne faitière et repose en partie sur le mur pignon arase. Bien que ce procède de construction soit d'origine, Cette partie de charpente est fragilisée par l'absence de contreventements particuliers.
Les sablières
Au niveau des arases les sablières sont inexistantes et les chevrons reposent directement sur la maçonnerie.
Arbalétriers et chevrons
L’ensemble du chevronnage et du litonnage est assez altéré avec de fortes dégradations en partie basse des chevrons. Au niveau de la deuxième travée, au bas du rampant Sud-Ouest, ils fléchissent, créant un affaissement de la toiture et laissant l'eau s'infiltrer au travers de la couverture. On note aussi que l'ensemble des arbalétriers, particulièrement sur la partie Sud-Ouest, sont fendus à leur base. Cette altération proviendrait sans doute de la surcharge que provoque un léger basculement du faitage vers ce côté.
Les fermes
Des altérations sont repérées au niveau des assemblages, usés en traction et en compression, si bien que certaines pièces ont tendance à sortir de leur mortaise. Sur la quatrième ferme, le poinçon double en partie haute par une pièce de bois de même section, rattrape la panne faitière qui est sortie de son axe. Se substituant à la bride métallique d'origine, une traverse en bois clouée sur les arbalétriers vient consolider la réparation. Au niveau de l'entrait, l'assemblage qui réunit le poteau, l'entrait et le poinçon est très incertain, avec l'absence de la bride métallique qui venait renforcer le trait de Jupiter .A cet endroit, l'un des éléments constituant l'entrait est fendu horizontalement de même que la pièce de remploi (ancienne solive) constituant le poteau de soutien est fendu sur toute sa hauteur. Une tige métallique fixée à l'entrait participe au soutien du plancher.
La citerne
La citerne ne semble pas connaitre de problèmes d'étanchéité. La maçonnerie est en bon état et l'enduit qui est d'origine (mélange de chaux et de brique pilée) conserve son efficacité de protection. Les réseaux de récupération des eaux recueillis dans la citerne semblent défectueux.
Date de dernière mise à jour : 03/01/2024
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